En vacances près de Boston le 1er août, nous avons été stupéfaits comme tout le monde par l’effondrement soudain dans les eaux du Mississippi du pont de l’autoroute I-35W entre Minneapolis et Saint-Paul. La tragédie a bien sûr été intensivement relayée ici par les chaînes de télévision et les journaux. Au-delà des réactions d’émotion et de la compassion, la question générale de la sûreté des ponts aux Etat-Unis a vite été posée. Rien que dans le Massachussets, il existe plusieurs ponts du même type dont l’état n’est pas fameux, si l’on en croît les rapports de contrôle technique exhumés par le presse. Le sérieux des procédures de vérification et surtout le montant des budgets consacré à la maintenance des infrastructures sont largement mis en cause.
Un déferlement d’images
Pour en venir au sujet qui m’occupe ici, la catastrophe a donné lieu instantanément à un déferlement d’images. La spectaculaire vidéo du pont s’écroulant en direct, prise par une caméra de surveillance, est passée en boucle sur FoxNews et CNN avant de se trouver sur YouTube. Le site du Monde y renvoyait et je suppose que les télés françaises l’ont retransmise elles-aussi. Dès l’annonce de la nouvelle les sites comme Flickr et YouTube ont été submergés de photographies et de vidéos prises par les amateurs et publiées en direct. Ces photographies montraient les instants d’après l’effondrement et les opérations de sauvetage. Un évènement catastrophique de cette ampleur, surtout quand il a lieu à proximité de zones très peuplées, génère donc rapidement une documentation prise à la source même par des capteurs automatiques mais surtout par des passants, des curieux, des volontaires venus porter secours.
Utiliser les technologie numérique pour organiser les secours
Un article de Hiawatha Bray paru dans le Boston Globe du 4 aout présente des éléments intéressants à propos des secours de première urgence à l’ère numérique. L’article note tout d’abord que les autorités ont vite demandé aux gens disposant de films ou de photographies du pont au moment de sa chute de les mettre à disposition de l’enquête. La vidéo de You tube permettra peut être ainsi d’aider à comprendre les causes de l’effondrement de la structure. D’une manière générale, il apparaît que les pompiers ou la police ne sont plus les premiers sur les lieux d’un sinistre à pouvoir rendre compte de ce qui se passe. Très souvent, les témoins sur place ont déjà prévenu de nombreuses personnes et même diffusé des photos par téléphone. La gestion de l’information de crise doit tenir compte de ce nouvel état de fait, comme l’avait déjà montré aux Etat-Unis les évènements du 11 septembre, de Katrina ou de Virginia Tec. Les autorités sont alors tentées d’organiser cette remontée d’information de la part des premiers témoins pour planifier les secours. L’article cite l’initiative du Maire de Ney-York, Michael Bloomberg, qui veut accroître les capacités multimédias du numéro d’urgence, le 911, pour lui permettre de recevoir des images et des vidéos.
Effets pervers
Cette idée d’enrichir la connaissance des secours grâce à l’imagerie produite par les premiers témoins est cependant discutée par certains spécialistes qui craignent que ces systèmes ne draînent sur les lieux des catastrophes de nombreuses personnes souhaitant aider, mais qui risquent de compliquer énormément les opérations. En fait il semble que la disponibilité de l’information que permettent les outils numériques produit déjà un phénomène de convergence des hommes et des informations vers le lieu du désastre. Il faudra donc que les spécialistes des secours, non seulement s’en accommodent, mais apprennent à s’en servir en exploitant de manière pertinente l’information et l’énergie déployées tout en empêchant la confusion. Un site comme celui de Katrina Blankenship a joué par exemple un rôle important en permettant à des centaines de famille d’avoir des nouvelles de disparus de la catastophe du cyclone Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005. Mais les spécialistes de secours craignent une prolifération de ce type de sites qui les rendraient inefficaces : il a existé plus de 50 sites de ce type lors de l’épisode Katrina, ce qui ne facilitait pas la recherche des disparus.
Un autre problème est la vulnérabilité des réseaux de communication en période de crise. Une fois les lignes téléphoniques et les connexions Internet en panne ou saturées par les appels, comme cela s’est produit lors des attentats du 11 septembre, il devient impossible d’informer et de coordonner et l’on va au chaos. Les solutions envisagées relèvent de techniques anciennes et non numériques. Aux Etat-Unis, des initiatives existent ainsi pour organiser des systèmes d’information de crise utilisant les bonnes vieilles ondes radios …
Et pourtant Arpanet, l’ancêtre de l’internet avait été mis au point par l’armée américaine pour éviter un black-out de leurs réseaux de communications.
Ils avaient pensé aux destructions (des centres névralgiques) pas aux saturations (des tuyaux) !